Un article de Place Gre’net sur la journée du 10 novembre

Rénover le square Saint-Bruno ? Un collectif d’habitants s’oppose au projet de la Ville… et à la méthode

Par Florent Mathieu | le 12/11/2018
EN BREF — Des habitants du quartier Saint-Bruno de Grenoble s’opposent au projet, présenté par la Ville, de rénovation de la place et du square du même nom. Le collectif constitué pour l’occasion organisait une journée d’information et d’échange le samedi 10 novembre pour mieux pourfendre un plan adopté, selon lui, sans concertation ni consultations suffisantes. « Sommes-nous de trop dans notre quartier ? » Telle est la question que posent, sous forme de carte postale à adresser à la Ville de Grenoble, des habitants du quartier Saint-Bruno. Estimant que les riverains ont été insuffisamment consultés dans le cadre du projet de rénovation de la place Saint-Bruno, et plus précisément de son square, un collectif y organisait une « journée d’information et d’échange », le samedi 10 novembre.

Les objectifs de cette rénovation, ainsi que le présente une plaquette éditée par la Ville de Grenoble ? Permettre aux personnes à mobilité réduite d’accéder au square, rapprocher les places assises de l’espace de jeu la Dragonne tout en renouvelant les jeux pour les plus petits, installer des jets d’eau au niveau du bassin et, enfin, « améliorer les traversées piétonnes entre le square, le passage du marché, la bibliothèque, le marché et ses commerces ».

La journée d'échange et d'information a attiré les habitants dès le matin du samedi 10 novembre © Florent Mathieu - Place Gre'net

La journée d’échange et d’information a attiré les habitants dès le matin du samedi 10 novembre. © Florent Mathieu – Place Gre’net

Un projet déjà modifié en amont

Le dernier point a d’ores et déjà fait l’objet d’une modification. Alors que le projet initial prévoyait de favoriser le passage des piétons dans le square, les habitants du quartier ont majoritairement fait savoir leur opposition à cette idée. Pas question pour les riverains de voir la place Saint-Bruno devenir aussi passante que la place Victor-Hugo ou le Jardin de Ville, en particulier avec des enfants jouant en nombre autour des espaces ludiques qui leur sont réservés.

« Nous avons des remarques sur le fait que le quartier jouit d’une image négative, que les passants n’osent pas forcément entrer à l’intérieur, et la première esquisse proposait d’ouvrir plus largement le square, explique Lucille Lheureux, adjointe de Grenoble en charge des Espaces publics. [Comme] cette ouverture a généré beaucoup d’inquiétude, nous avons pris l’engagement de retravailler ce sujet ». Fin de la grogne ? Pas vraiment.

La Dragonne du square parée de banderoles pour l'occasion © Florent Mathieu - Place Gre'net

La Dragonne du square parée de banderoles pour l’occasion. © Florent Mathieu – Place Gre’net

« Peut-être que la place pourrait être réaménagée, mais sous d’autres formes », estime Julien, habitant du quartier participant à la journée d’échange. Pour lui, l’objectif de la journée est avant tout de « montrer qu’il est possible de s’exprimer en-dehors des cadres fournis par l’institution », plutôt que d’accepter « un projet ficelé en amont et qui nous est servi comme tel ». Un projet que le jeune homme, au passage, n’hésite pas à qualifier de « médiocre » au regard des sommes engagées, soit près de 300 000 euros.

Une opinion partagée par Jean-Philippe Moutarde, autre habitant de Saint-Bruno. « On sait qu’il y a plein de choses que l’on peut faire simplement, pour beaucoup moins cher », affirme-t-il. À ses yeux, le projet fait preuve d’un manque cruel d’information « intelligente et intelligible » : « Que se passe-t-il sur cette place ? De quoi a-t-on besoin ? Là, on a une solution brute de décoffrage, qui n’est pas déconnante partout mais qui n’est pas intelligente ! », insiste-t-il.

Prochaine réunion le 6 décembre

« Saint-Bruno est le seul quartier où il n’y a pas eu d’intervention sur l’espace public », constate de son côté Lucille Lheureux. Pour quelle raison ? Chaque projet, depuis bientôt cinq ans, rencontre l’hostilité et le blocage d’habitants. « C’est pourquoi on avance, en disant que tous les citoyens ont droit à ce que l’argent public serve à rénover leur cadre de vie, et que l’on ne peut pas bloquer la rénovation des espaces publics au nom de méthodes de concertation qui ne seraient pas assez satisfaisantes ! », assume-t-elle.

Après avoir revu sa copie sur le caractère traversant du square, la municipalité veut à présent ouvrir la discussion sur les places assises : quel type de mobilier et pour quels emplacements. Organisée le 6 décembre, une réunion doit se tenir sur la question, avant une autre étape de travail et de réflexion sur les jeux à disposition des enfants, début 2019. La preuve que la Ville n’exclut pas les habitants de son projet ?

« On invite à venir à la réunion du 6 décembre et on va discuter d’autre chose que de la couleur des bancs ! », prévient par avance Jean-Philippe Moutarde. Quoi qu’il en soit, des affichettes mettent d’ores et déjà en garde l’adjointe aux manettes : « Lucille Lheureux, on ne te laissera pas fusiller le quartier ». Et, si le dialogue n’est pas rompu, plusieurs élus de la Ville sont venus à la rencontre du collectif. L’ambiance semble donc loin d’être au compromis…

Florent Mathieu

Source : article Rénover le square Saint-Bruno ? Un collectif d’habitants s’oppose au projet de la Ville… et à la méthode | Place Gre’net – Place Gre’net

Samedi 10 novembre à 14h, réunion d’informations contre le réaménagement de la place !

La mairie nous annonce mettre le square en chantier à partir de fin décembre. Ce projet de réaménagement, décidé sans aucune concertation des habitant-e-s, menace de mettre à mal les usages actuels de cette place, la vie qui lui est propre.

Un collectif réunissant les habitant-e-s, habitué-e-s et organisations(associations, collectifs, commerçant-e-s …) du quartier se forme pour mener la lutte contre le réaménagement de la place. Une journée d’information est organisée le samedi 10 novembre à partir de 10h sur le square Saint-Bruno.

Rejoignez-nous pour vous informer, échanger sur le projet et penser ensemble des moyens de conserver une place vivante et populaire !

Tout ça pour qui ?

 

Lorsque nous jetons un œil aux rénovations urbaines que nous concocte la mairie sur la place Saint Bruno, on peut se dire que ce n’est pas grand-chose. Dans l’agenda municipal, on pousse d’ailleurs à effectuer les mesures qui fâchent en début de mandat, pour se concentrer ensuite les deux dernières années sur le cadre de vie (parcs, embellissement de la ville, …). Dans le discours, cela se traduit par un vocabulaire positif, consensuel, peu effrayant, mettant l’accent sur des sortes d’évidences partagées. On est au cœur de la méthode douce qui consiste à tendre progressivement à des transformations urbaines lourdes de conséquences, sans se soucier par ailleurs d’en expliciter les tenants et aboutissants. La rénovation urbaine recompose, ordonne, clarifie les espaces et leurs usages, caressant dans le sens du poil commun, dissimulant la finalité d’un quartier populaire réaménagé : déplacements des populations, casse des liens sociaux, négation d’une mémoire, de l’identité d’un lieu, d’un quartier, et des formes de résistance qui s’y créent. On nous parle de voies en impasse, d’importance de l’espace destiné aux parkings, de regroupements de jeunes aux pratiques délinquantes, ou encore d’esthétique ; dans un langage architectural, un diagnostic froid et vertical qui ne perçoit finalement rien des réalités vécues. Les « solutions » proposées sont bien loin des aspirations réelles de la diversité et complexité des populations en place. Alors oui, c’est pas trois blocs blancs sur lequel tu peux t’asseoir tout seul, et 4 places de camions en moins au cœur de notre quartier qui va bouleverser nos vies pour le moment, mais déroulons un peu le fil des transformations à venir…

Ces transformations ont un impact direct sur les usages du square St Bruno, sur ce qu’il représente symboliquement et sur la manière dont il est pratiqué par les habitant.es. Le square est un lieu de repos. Les nombreuses personnes qui y viennent le font majoritairement pour se divertir, discuter entre amis, faire la sieste, jouer aux boules ou amener les enfants à la dragonne. On remarque que les personnes qui se déplacent sans intention de s’arrêter ne traversent pas le square mais passent sur le trottoir à l’extérieur des barrières. Cet aménagement crée un îlot de tranquillité dans un quartier très animé, juste à coté d’un marché quotidien ! Les transformations annoncées par la mairie, vont majoritairement à l’encontre des usages actuels. L’ouverture massive à l’est, du coté du marché, encourage les passants à traverser le square.  L’ouverture et l’aplatissement du coté de la rue Abbé Grégoire participe également à transformer cet espace en parvis ou esplanade. Nous passons doucement d’un lieu de repos et de convivialité à un lieu de passage, à un carrefour piéton, comparable aux places de l’hyper-centre comme l’actuelle place Victor Hugo. Sur ces places lisses, ouvertes et bien souvent piétonnisées, le constat est souvent le même, on y passe, on les traverse mais on ne s’y arrête que très peu : on ne se les approprie pas. Le soulagement de pouvoir laisser les enfants jouer sans surveillance, le repos et la vie qui se créent sous nos immeubles, sont des éléments fragiles que l’utilitarisme et l’impatience du mouvement contemporain ont vite fait de mettre en péril. St Bruno est une place que l’on habite, où la rue participe à créer la vie sociale du quartier. Cela fait sans aucun doute partie des raisons pour lesquelles beaucoup de gens s’obstinent à vouloir continuer d’y vivre, bien que l’arrivée massive de cadres et professions supérieures ait augmenté considérablement le prix des loyers au cours de cette dernière décennie.

L’aménagement proposé aujourd’hui est mineur. Mais au risque d’être catalogués comme d’éternel.les mécontent.es, nous allons tout de même expliquer en quoi il est une fausse bonne idée. Après maintes et maintes réunions publiques, déclarations, et petit projets, ce n’est plus un secret que la mairie de Grenoble compte transformer le quartier St.e Bruno.elle. Elle déroule sa planification urbaine par une quantité de petits projets inoffensifs, allant pourtant bel et bien dans le sens d’un objectif à plusieurs années. Nous ne croyons pas en l’absence de vision à long terme des élu.es et technicien.nes, bien qu’ils ne nous en disent rien. Nous tentons d’analyser, de notre regard, ce que nous croyons lire de cette vision à plus long terme. Le plus évident, semble t-il, est de nous préparer à la refonte du marché. En effet, l’axe est – ouest qui va traverser le square donne sur une allée perpendiculaire à ce dernier. Il y a fort à parier que cette transformation de la place introduise le projet type proposé il y a quelques années, qui consistait à créer deux grandes allées nord-sud et est-ouest traversantes, afin d’aller progressivement vers une une réduction du nombre de commerçants et une plus grande part accordée à l’alimentaire. Pourquoi faire, si ce n’est mettre peu à peu des épines dans le pied de ce marché connu pour ses bonnes affaires, ses prix peu élevés, et ainsi transformer la population qui le fréquente. Par ailleurs, ces aménagements mènent vers un espace de plus en plus panoptique, dans une lourde ambiance sécuritaire d’auto-contrôle entre voisin.es et habitant.es du même quartier, ceci sous la camera de surveillance qui veille et surplombe les moindres faits et gestes.

Retirer l’intimité d’une place abritant la vie sociale de ses habitant.es par toujours plus de « sécurité passive » participe à la guerre contre les pauvres. Les urbanistes et géographes savent pertinemment qu’un espace urbain conditionne les pratiques qu’il abrite et les usages qui en sont fait. Ce projet et les suivants permettront sur plusieurs années un dégoulinement du centre ville sur le quartier St Bruno. Le centre ville, aujourd’hui plus pensé pour l’individu.e consommateur.rice que dans une volonté de créer des espaces conviviaux, populaires, permettant plus, de débrouille, de vie et de rencontres dans nos rues.